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Tuesday, 2 December 2025

Les Congolais (RDC) sont ingrats envers le Burundi

Les Congolais (RDC)  sont ingrats  envers le Burundi:

L'intervention militaire burundaise contre l'agression Rwanda-M23 et sa marginalisation dans les accords de Washington

Note explicative : Ce document analyse l'intervention militaire du Burundi pour défendre la RDC contre l'agression du Rwanda et du M23 (2022-2025), et la marginalisation systématique de Bujumbura dans les accords régionaux qui en ont découlé. L'expression « Les Congolais sont ingrats » désigne l'incapacité du gouvernement congolais à reconnaître et défendre son principal allié militaire dans les négociations qu'il a lui-même initiées.

Résumé exécutif

L'agression : Depuis mars 2022, le Rwanda soutient militairement le M23 avec jusqu'à 12 000 soldats (selon l'ONU). En janvier-février 2025, cette offensive culmine avec la prise de Goma et Bukavu, provoquant le déplacement de 400 000 personnes.

La réponse burundaise : Le Burundi déploie plus de 10 000 soldats pour défendre la RDC (octobre 2023-février 2025). Le président Tshisekedi reconnaît que seules les forces burundaises combattent réellement le M23.

L'appel de la RDC à Washington : Face à la crise, Tshisekedi fait appel aux États-Unis (février-mars 2025), offrant un accès aux minerais critiques contre une assistance sécuritaire.

Le résultat : L'accord de Washington (27 juin 2025) marginalise totalement le Burundi. Le Rwanda obtient une position de partenaire privilégié avec des accords tripartites (RDC-Rwanda-USA) et bilatéraux (USA-Rwanda). Le Burundi est exclu de tout.

Le refus rwandais : En septembre 2025, le Rwanda maintient ses troupes en RDC malgré l'accord. Aucune conséquence. Les accords économiques continuent.

Le verdict : Le pays qui agresse (Rwanda) est récompensé. Le pays qui défend (Burundi) est laissé de côté. Cette injustice résulte de l'incapacité du gouvernement congolais à défendre ses alliés.

1. L'agression Rwanda-M23 : Contexte et ampleur (2022-2025)

1.1. La résurgence du M23 avec soutien rwandais massif

Le Mouvement du 23-Mars (M23), groupe rebelle tutsi congolais, avait été militairement défait en 2013 après une première occupation de Goma en 2012. En mars 2022, le M23 reprend les armes avec un soutien rwandais sans précédent.

Preuves documentées du soutien rwandais :

  • Décembre 2024 : L'ONU estime à 4 000 le nombre de soldats rwandais en RDC assistant le M23
  • Mars 2025 : Ce chiffre atteint 12 000 soldats rwandais selon les estimations onusiennes
  • Commandement : Le Rapport du Groupe d'experts de l'ONU identifie des officiers supérieurs rwandais dirigeant les opérations : James Kabarebe (Ministre de la Coopération régionale et ancien Chef d'État-Major), Général Vincent Nyakarundi (Chef d'État-Major RDF), Général Patrick Karuretwa (Président de la Haute Cour militaire)
  • Logistique : La RDF (Rwanda Defence Force) a établi un quartier général à un kilomètre de la frontière congolaise pour coordonner les opérations

1.2. L'offensive de janvier-février 2025 : Le point culminant

21 janvier 2025 : Le M23 capture Minova (Sud-Kivu), coupant la route d'approvisionnement vers Goma.

23 janvier 2025 : Le M23 coupe toutes les connexions routières vers Goma.

25 janvier 2025 : Le M23 entre dans Goma. La RDC rompt ses relations diplomatiques avec le Rwanda et rappelle son personnel diplomatique de Kigali.

26 janvier 2025 : Le M23 perce les lignes de défense et occupe Goma.

30 janvier 2025 : Goma est totalement sous contrôle M23/Rwanda.

5 février 2025 : Le M23 capture Nyabibwe (entre Goma et Bukavu).

16 février 2025 : Bukavu tombe aux mains du M23.

Bilan de l'offensive :

  • Plus de 400 000 personnes déplacées
  • Contrôle M23/Rwanda sur les deux capitales provinciales (Goma et Bukavu)
  • Contrôle des zones minières stratégiques : Rubaya (coltan), Nyabibwe, Kitchanga
  • Contrôle de l'aéroport de Kavumu
  • 70 corps liés retrouvés dans une église à Mayba (banlieue de Bukavu)
  • Exécutions d'enfants par le M23 (nombre non vérifié)

1.3. L'accusation internationale : Le Rwanda identifié comme agresseur

21 février 2025 : Le Conseil de sécurité de l'ONU adopte la Résolution 2773 appelant explicitement le Rwanda à cesser son soutien au M23 et à retirer ses forces de la RDC.

Positions internationales :

  • États-Unis : Reconnaissent le soutien militaire rwandais au M23
  • Union européenne : Condamne l'agression rwandaise
  • Union africaine : Appelle au retrait du M23 pour éviter la "balkanisation" de la RDC
  • MONUSCO : Documente le rôle "critique" du soutien militaire rwandais à la campagne du M23

Le Rwanda, malgré ces accusations, continue de nier officiellement toute implication militaire directe.

2. L'intervention burundaise : La seule force qui combat réellement

2.1. Le déploiement massif (octobre 2023 - février 2025)

Face à l'offensive M23, le Burundi répond à l'appel de la RDC en déployant des forces substantielles dans le cadre de la Force régionale de la Communauté d'Afrique de l'Est (EACRF).

Septembre 2023 : Le Burundi formalise sa coopération militaire avec la RDC, devenant le principal allié régional de Kinshasa.

Octobre 2023 : Début du déploiement de plus de 10 000 soldats burundais dans l'Est de la RDC.

Zones de déploiement :

  • Hauts et Moyens Plateaux de Fizi et Uvira (5 bataillons)
  • Défense de Bukavu (5 000 à 6 000 soldats)
  • Kalehe, Kamanyola, environs de l'aéroport de Kavumu
  • Sud-Kivu et frontière avec le Burundi

Commandement : Général Pontien Hakizimana (alias "Mingi"), à la tête d'un régiment composé de quatre brigades.

2.2. La reconnaissance du président Tshisekedi : Seul le Burundi combat vraiment

Mai 2025 : Le président Félix Tshisekedi fait une déclaration publique révélatrice :

« L'armée burundaise est la seule qui opère contre les groupes armés parmi toutes les forces de la Communauté d'Afrique de l'Est déployées dans l'Est de la RDC depuis fin 2022. »

Tshisekedi ajoute :

« Il y a une sorte de collaboration entre la force de la CEA et les terroristes du M23. La preuve en est l'intervention des Burundais lorsque les terroristes du M23 ont commencé à lever illégalement des taxes dans les territoires qu'ils occupaient. »

Ce que signifie cette déclaration :

  • Les autres forces de la CEA (Kenya, Ouganda, Tanzanie, Soudan du Sud) ne combattent pas activement le M23
  • Seules les forces burundaises s'opposent militairement au M23
  • Le président congolais lui-même reconnaît que le Burundi est son seul véritable allié militaire

2.3. Le coût de l'engagement burundais

Pertes militaires

Bien que les chiffres officiels ne soient pas publics, les sources militaires burundaises confirment des pertes substantielles lors des combats contre le M23 et les forces rwandaises.

Problèmes logistiques critiques

Février 2025 : Un officier supérieur de l'armée burundaise déclare à l'AFP :

« Depuis hier, l'armée a accéléré l'extraction de nos soldats déployés dans la plaine de Rusizi en RDC. »

« Les soldats en RDC font face à de sérieux problèmes de réapprovisionnement, en raison des forces congolaises 'désorganisées'. Les soldats burundais sont 'totalement perdus', sans munitions, sans nourriture et doivent se débrouiller. »

Retrait forcé : En février 2025, la majorité des troupes burundaises se retirent par manque de soutien logistique. Environ 3 000 soldats restent déployés contre 10 000+ initialement.

Fardeau humanitaire

Janvier-février 2025 : Face à la chute de Goma et Bukavu, environ 70 000 réfugiés congolais fuient vers le Burundi.

6 février 2025 : Le Burundi ferme temporairement sa frontière avec la RDC face à l'afflux massif.

Le UNHCR déclare qu'il s'agit de « la plus grande vague de réfugiés que le Burundi a vue depuis le début des années 2000 ».

Conditions des réfugiés : Les réfugiés congolais au Burundi font face à des conditions difficiles – manque de nourriture, d'abris, de couvertures. Le Burundi, pays pauvre, peine à gérer cet afflux sans aide internationale significative.

Coûts économiques

  • Déploiement et maintien de 10 000+ soldats
  • Équipement militaire perdu ou endommagé
  • Frais logistiques sans remboursement
  • Accueil de 30 000 réfugiés
  • Perturbations économiques frontalières

Aucune compensation internationale n'a été versée au Burundi pour ces coûts.

2.4. La coopération bilatérale RDC-Burundi : Une alliance sur le papier

Août 2024 : Signature d'un accord militaire bilatéral entre la RDC et le Burundi à Kinshasa.

22 décembre 2024 : Le président Tshisekedi se rend à Bujumbura pour rencontrer son homologue Évariste Ndayishimiye. Les deux présidents réaffirment leur solidarité face aux agressions du M23 soutenu par le Rwanda. Le Burundi, selon le communiqué, « appuie fermement la RDC dans ce conflit ».

Le paradoxe : Ces accords bilatéraux et cette reconnaissance verbale ne se traduisent pas en soutien logistique concret pour les forces burundaises ni en inclusion dans les négociations internationales majeures.

3. L'initiative congolaise auprès de Washington : Le processus qui marginalise le Burundi

3.1. L'appel de Tshisekedi aux États-Unis

Face à l'effondrement militaire de janvier-février 2025, le président Tshisekedi prend l'initiative de faire appel à la puissance américaine.

Février 2025 : Tshisekedi envoie une lettre au président Donald Trump, offrant à son administration un accès privilégié aux minerais critiques de la RDC (cobalt, coltan, cuivre) en échange d'une assistance sécuritaire américaine.

Mars 2025 : Tshisekedi formalise son offre aux États-Unis.

Mars 2025 : Massad Boulos, homme d'affaires ayant servi comme conseiller pour le Moyen-Orient dans l'équipe de transition de Trump, est nommé au Département d'État américain pour médier le conflit en RDC.

Ce que cela signifie : C'est la RDC qui a initié le processus menant aux accords de Washington. Ce n'est pas une imposition extérieure. Tshisekedi a volontairement fait appel à Washington et offert les ressources minérales comme monnaie d'échange.

3.2. Le processus de négociation : L'exclusion systématique du Burundi

25 avril 2025 : Première réunion à Washington entre les ministres des Affaires étrangères de la RDC (Thérèse Kayikwamba Wagner) et du Rwanda (Olivier Nduhungirehe), en présence du Secrétaire d'État américain Marco Rubio.

Une « Déclaration de principes » est adoptée, appelant au respect de l'intégrité territoriale, à la résolution des préoccupations sécuritaires légitimes, et à la coopération économique sur les minerais critiques.

Qui est à la table ?

  • RDC
  • Rwanda
  • États-Unis
  • Qatar (co-médiateur)

Qui est absent ?

  • Le Burundi – malgré 10 000 soldats déployés et la reconnaissance de Tshisekedi comme seul allié combattant
  • Tanzanie, Kenya, Ouganda (autres membres CEA)
  • Angola (médiateur historique du processus de Luanda)

19 juin 2025 : Signature d'un accord préliminaire de paix.

27 juin 2025 : Signature de l'Accord de paix définitif entre la RDC et le Rwanda à Washington.

3.3. Le contenu de l'Accord de Washington : Une architecture qui exclut le défenseur

Dispositions sécuritaires :

  • Retrait des forces rwandaises de la RDC dans les 90 jours
  • La RDC doit cesser tout soutien aux FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda)
  • Création d'un Mécanisme conjoint de coordination sécuritaire (JSCM) entre RDC et Rwanda
  • Harmonisation d'un plan pour la neutralisation des FDLR

Dispositions économiques :

  • Établissement d'un cadre d'intégration économique régionale centré sur les minerais critiques
  • Implication des États-Unis dans ce cadre économique
  • Coopération RDC-Rwanda sur l'exploitation et le commerce des ressources stratégiques

Le problème fondamental :

Cet accord traite le Rwanda – l'agresseur identifié par l'ONU – comme une partie égale à la RDC. Il lui offre même une position privilégiée dans l'exploitation économique des minerais de l'Est congolais. Le Burundi, qui a défendu la RDC militairement, n'est mentionné nulle part.

3.4. Les accords bilatéraux USA-Rwanda : La double légitimation de l'agresseur

Au-delà de l'accord tripartite RDC-Rwanda-USA, les États-Unis et le Rwanda signent des accords bilatéraux parallèles portant sur :

  • La coopération économique
  • Les minerais stratégiques
  • La sécurité régionale

L'injustice amplifiée :

Le Rwanda obtient ainsi une double légitimation :

  1. Comme partie égale à la RDC dans l'accord tripartite de paix
  2. Comme partenaire direct des États-Unis dans les accords bilatéraux

Le Rwanda passe du statut d'agresseur (Résolution 2773 de l'ONU) à celui de partenaire économique et sécuritaire privilégié de la première puissance mondiale.

Le Burundi n'a accès à aucun de ces cadres.

3.5. L'échec de la RDC à défendre son allié

Ce que le gouvernement congolais aurait dû faire :

  • Exiger la participation du Burundi comme condition préalable à toute négociation
  • Insister pour que le cadre économique sur les minerais inclue le Burundi qui partage 233 km de frontière avec le Sud-Kivu
  • Conditionner tout accord avec le Rwanda au respect de l'intégrité territoriale ET à la reconnaissance de la contribution burundaise
  • Utiliser la présence des 10 000 soldats burundais comme levier diplomatique

Ce que le gouvernement congolais a fait :

  • Accepté passivement l'exclusion de son principal allié militaire
  • Négocié directement avec son agresseur sans inclure son défenseur
  • Signé un cadre de coopération économique avec le Rwanda tout en continuant à le combattre militairement
  • Permis que les États-Unis établissent des relations bilatérales privilégiées avec le Rwanda

Le résultat : Le Burundi a été trahi non pas par son ennemi, mais par le pays qu'il défendait.

4. Le refus rwandais de respecter l'accord : Impunité totale

4.1. Septembre 2025 : Le Rwanda reste en RDC

L'accord du 27 juin 2025 prévoyait le retrait des forces rwandaises dans les 90 jours, soit avant fin septembre 2025.

Réalité de septembre 2025 :

  • Les troupes rwandaises sont toujours présentes sur le sol congolais
  • Le M23 contrôle toujours Goma et Bukavu
  • Le M23 contrôle toujours les zones minières stratégiques (Rubaya, Nyabibwe, Kitchanga)
  • Aucun retrait n'a commencé
  • La mise en œuvre de l'accord est totalement au point mort

4.2. L'absence de conséquences

Réaction américaine : Aucune sanction contre le Rwanda

Réaction sur les accords bilatéraux USA-Rwanda : Aucune suspension

Réaction sur le cadre de coopération économique : Les discussions continuent normalement

Réaction de la RDC : La RDC déclare qu'aucune coopération économique avec le Rwanda n'est possible tant que ses troupes ne se retirent pas – mais aucune action concrète n'est prise

Position du Burundi : Toujours exclu de tous les mécanismes, malgré le fait que le Rwanda démontre qu'il ne respecte pas les accords

4.3. Le message envoyé : L'efficacité de l'agression

La leçon géopolitique claire :

Si vous êtes un agresseur avec un bon appareil diplomatique :

  • Vous pouvez occuper militairement un pays souverain
  • Obtenir une place à la table des négociations comme partie égale
  • Signer des accords économiques avantageux
  • Établir des partenariats bilatéraux avec les grandes puissances
  • Violer ces accords sans conséquences
  • Continuer à bénéficier de tous les avantages économiques et diplomatiques

Si vous êtes un défenseur loyal :

  • Vous sacrifiez des vies et des ressources
  • Vous êtes exclu des négociations
  • Vous ne recevez aucune compensation
  • Vous devez retirer vos troupes par manque de soutien
  • Vous accueillez les réfugiés sans aide internationale
  • Vous restez marginalisé même quand l'agresseur viole les accords

Ce système inverse toutes les incitations normales en relations internationales et garantit la perpétuation des conflits.

5. Le tableau de l'injustice : Rwanda vs Burundi

Tableau comparatif complet

CritèreRWANDA (Agresseur)BURUNDI (Défenseur)
Rôle militaire 2022-2025Déploiement de 12 000 soldats pour soutenir le M23Déploiement de 10 000+ soldats pour combattre le M23
Position ONUAccusé d'agression par Résolution 2773Reconnu comme partenaire de stabilisation
Reconnaissance TshisekediDésigné comme soutien du "terrorisme" M23« Seule force qui combat réellement le M23 »
Contrôle territorialContrôle indirect de Goma, Bukavu, zones minières via M23Aucun contrôle territorial en RDC
Bénéfices économiques directsCentaines de millions USD/an via exploitation minière (Rubaya, Nyabibwe)Coûts militaires et logistiques massifs non compensés
Coûts assumésAucun – exploitation génère des profitsDéploiement, équipement, munitions, nourriture non remboursés
RéfugiésAucun réfugié congolais accueilli30 000+ réfugiés congolais accueillis
Participation Accord WashingtonPartie principale aux négociationsNon invité, totalement exclu
Accords bilatéraux avec USAOui – accords privilégiés signésNon – aucun accord
Cadre coopération économiquePartenaire privilégié sur les minerais critiquesExclu malgré frontière de 233 km avec Sud-Kivu
Respect de l'accord (sept. 2025)Violation totale – maintien des troupesN/A – pas partie à l'accord qu'il aurait dû signer
Conséquences du non-respectAucune – accords continuent normalementN/A
Position diplomatique finaleLégitimé comme acteur régional incontournableMarginalisé comme acteur périphérique
Reconnaissance internationalePartenaire des USA dans cadre régionalAucune reconnaissance internationale
Bénéfices netsÉnormes : gains économiques + légitimation politique + partenariats privilégiésNégatifs : pertes militaires + coûts économiques + fardeau réfugiés + exclusion diplomatique

Le verdict du tableau : L'agression est récompensée, la défense est punie

Ce tableau révèle une logique perverse où :

  • Le pays qui déstabilise la RDC obtient reconnaissance diplomatique et opportunités économiques
  • Le pays qui défend la RDC obtient marginalisation, coûts non compensés et exclusion

Cette inversion complète des principes normaux de justice internationale démontre que le système actuel :

  1. Récompense l'efficacité diplomatique manipulatrice plutôt que la contribution réelle
  2. Favorise ceux qui violent le droit international s'ils ont de bons réseaux d'influence
  3. Ignore ceux qui sacrifient pour défendre la souveraineté d'un autre État
  4. Crée des incitations perverses qui encouragent l'agression future.

6. Les causes de cette injustice : La faiblesse institutionnelle congolaise

6.1. Une incapacité diplomatique chronique

Le gouvernement congolais souffre d'une faiblesse institutionnelle structurelle qui explique cette injustice :

Dépendance diplomatique paralysante

  • La RDC ne pilote jamais ses propres négociations
  • Elle accepte passivement les priorités des médiateurs externes (USA, Qatar)
  • Elle n'a pas exigé l'inclusion du Burundi comme condition préalable

Absence de vision stratégique cohérente

  • Signe des accords bilatéraux avec le Burundi (août 2024, décembre 2024)
  • Puis négocie des cadres économiques avec le Rwanda sans y associer le Burundi
  • Cette incohérence révèle l'absence de coordination au sein de l'appareil gouvernemental

Capture par des intérêts privés

  • Les élites économiques de l'Est de la RDC ont des relations d'affaires lucratives avec le Rwanda
  • Ces réseaux transfrontaliers influencent les décisions gouvernementales
  • Le profit personnel prime sur l'intérêt national ou la loyauté envers les alliés

Absence de mémoire institutionnelle

  • Le gouvernement oublie les sacrifices de ses partenaires
  • La contribution burundaise (10 000 soldats, reconnaissance de Tshisekedi) ne pèse rien dans les décisions

6.2. Vulnérabilité aux pressions occidentales

Les États-Unis et l'Union européenne ont historiquement privilégié le Rwanda comme partenaire régional, perçu comme :

  • Stable et moderne
  • Efficace économiquement
  • Allié fiable (malgré les accusations d'agression)

La RDC, dépendante de l'aide internationale, peine à résister à ces orientations. Elle suit les priorités américaines même quand elles contredisent ses intérêts stratégiques.

6.3. L'abandon diplomatique du Burundi : Un symptôme d'incompétence

Le fait que la RDC n'ait pas exigé la présence du Burundi aux négociations de Washington illustre une incapacité fondamentale.

Un État souverain fort aurait :

  • Conditionné sa participation à l'inclusion de tous ses alliés militaires
  • Utilisé le déploiement burundais comme levier diplomatique
  • Refusé tout accord économique avec le Rwanda sans inclusion du Burundi

Le gouvernement congolais a :

  • Accepté passivement l'architecture proposée par Washington
  • Permis l'exclusion de son principal allié
  • Signé des accords avec son agresseur

Ce n'est pas de la malveillance – c'est de l'incompétence institutionnalisée.

7. Les bénéfices du Rwanda : Comment l'agresseur profite du conflit

7.1. Bénéfices économiques directs

Exploitation minière via le M23

  • Contrôle de Rubaya (l'une des plus grandes sources de coltan au monde)
  • Contrôle de Nyabibwe et autres zones minières stratégiques
  • Exportation des minerais congolais comme production rwandaise
  • Estimation : centaines de millions de dollars annuellement

Position d'intermédiaire commercial

  • Transit obligatoire de nombreux produits congolais via le Rwanda
  • Taxes douanières et frais de transit
  • Marges commerciales sur les échanges RDC-marchés internationaux

7.2. Bénéfices diplomatiques et stratégiques

Légitimation internationale

  • L'accord de Washington place le Rwanda sur un pied d'égalité avec la RDC
  • Pour un pays accusé d'agression par l'ONU, c'est une victoire diplomatique majeure
  • Le Rwanda passe d'agresseur à partenaire indispensable

Accès privilégié aux cadres économiques

  • Cadre d'intégration régionale sur les minerais critiques
  • Partenariats avec les investisseurs américains
  • Position centrale dans les futurs projets économiques régionaux

Renforcement de l'influence régionale

  • Siège à la table des négociations majeures
  • Influence sur les décisions sécuritaires et économiques régionales
  • Consolidation du statut de puissance régionale incontournable

7.3. Absence de coûts pour l'agression

Aucune sanction pour :

  • Le déploiement de 12 000 soldats en territoire congolais
  • L'occupation de Goma et Bukavu
  • Le soutien militaire au M23
  • Les violations documentées du droit international

Aucune conséquence pour :

  • La violation de l'accord de Washington (non-retrait en septembre 2025)
  • Le maintien de l'occupation militaire
  • La poursuite de l'exploitation des ressources congolaises

Résultat net : Le Rwanda gagne sur tous les tableaux – gains économiques massifs, légitimation diplomatique, influence régionale accrue, partenariats internationaux privilégiés, et aucun coût pour son agression.

8. Conséquences de cette injustice : Menaces pour la stabilité régionale

8.1. Désincitation à la coopération loyale

Question fondamentale : Pourquoi un pays sacrifierait-il ses ressources pour aider la RDC si cet engagement ne se traduit par aucune reconnaissance ?

Le Burundi a appris que :

  • Déployer 10 000 soldats ne mène à aucune reconnaissance
  • Accueillir 30 000 réfugiés ne génère aucune aide
  • Être reconnu par Tshisekedi comme seul véritable allié ne garantit aucune inclusion
  • Les sacrifices militaires et économiques ne se traduisent par aucun bénéfice

Conséquence : Les futurs alliés potentiels de la RDC réfléchiront à deux fois avant de s'engager.

8.2. Encouragement à l'opportunisme agressif

Leçon apprise par les acteurs régionaux : L'agression militaire avec un bon appareil diplomatique mène à :

  • La reconnaissance internationale
  • Des accords économiques avantageux
  • Des partenariats avec les grandes puissances
  • L'impunité même en cas de violation d'accords

Conséquence : Ce système incite à la déstabilisation plutôt qu'à la coopération.

8.3. Affaiblissement de la crédibilité institutionnelle congolaise

Comment prendre au sérieux un gouvernement qui :

  • Ne défend pas ses alliés
  • Récompense ses adversaires
  • Oublie les sacrifices de ses partenaires
  • Ne peut honorer ses engagements bilatéraux dans les forums multilatéraux

Conséquence : La RDC perd toute crédibilité comme partenaire régional fiable.

8.4. Risque de marginalisation définitive du Burundi

Si le Burundi reste exclu des cadres régionaux :

  • Perte d'opportunités économiques (minerais du Sud-Kivu, corridors commerciaux)
  • Isolement géopolitique progressif
  • Frustration pouvant mener à des décisions déstabilisantes
  • Rupture potentielle de la coopération future avec la RDC

Conséquence : Un Burundi marginalisé n'est pas seulement une injustice – c'est une vulnérabilité sécuritaire pour toute la région.


9. Recommandations urgentes : Comment corriger cette injustice

9.1. Inclusion immédiate du Burundi dans tous les cadres régionaux

Actions requises :

  1. Réouverture de l'Accord de Washington pour y intégrer formellement le Burundi comme partie signataire
  2. Inclusion du Burundi dans le cadre d'intégration économique régionale sur les minerais critiques, particulièrement pour le Sud-Kivu dont il partage 233 km de frontière
  3. Intégration du Burundi dans le Mécanisme conjoint de coordination sécuritaire (JSCM) en reconnaissance de sa contribution militaire
  4. Accords bilatéraux USA-Burundi similaires à ceux signés avec le Rwanda, pour équilibrer les partenariats

9.2. Reconnaissance officielle de la contribution burundaise

Actions requises :

  1. Déclaration officielle du gouvernement congolais reconnaissant publiquement le sacrifice burundais et s'excusant pour l'exclusion
  2. Compensation financière pour les coûts militaires, logistiques et humanitaires assumés par le Burundi
  3. Médaille ou distinction pour les forces burundaises ayant combattu en RDC
  4. Mémorial aux soldats burundais tombés en défendant la souveraineté congolaise

9.3. Conditionnalité des accords avec le Rwanda

Actions requises :

  1. Suspension immédiate de tout cadre de coopération économique avec le Rwanda tant que ses troupes restent en territoire congolais
  2. Conditionnalité ferme : Aucun accord économique avec le Rwanda sans retrait complet ET inclusion du Burundi
  3. Sanctions ciblées contre les officiels rwandais identifiés par l'ONU comme dirigeant les opérations militaires en RDC
  4. Révision des accords bilatéraux USA-Rwanda pour y inclure des mécanismes de sanction en cas de violation

9.4. Renforcement institutionnel du gouvernement congolais

Actions requises :

  1. Réforme de l'appareil diplomatique pour développer une capacité autonome de négociation
  2. Coordination interministérielle pour assurer la cohérence entre accords bilatéraux et positions multilatérales
  3. Anticorruption pour réduire l'influence des réseaux d'affaires privés sur les décisions gouvernementales
  4. Formation diplomatique pour que les négociateurs congolais puissent défendre fermement les intérêts nationaux et les alliances stratégiques

9.5. Mécanismes de vérification et d'application

Actions requises :

  1. Monitoring international indépendant du retrait des forces rwandaises avec publication de rapports mensuels
  2. Mécanisme de sanctions automatiques en cas de non-respect des délais de retrait
  3. Gel des accords économiques dès qu'une violation est constatée
  4. Rôle accru de l'Union africaine et de la CEA pour garantir que tous les États membres concernés soient inclus dans les processus régionaux

10. Conclusion : L'ingratitude congolaise et l'urgence de la justice

Le bilan d'une injustice flagrante

L'intervention militaire burundaise pour défendre la RDC contre l'agression Rwanda-M23 représente l'un des engagements les plus substantiels d'un pays africain pour la souveraineté d'un autre dans l'histoire récente :

  • Plus de 10 000 soldats déployés
  • Seule force combattant réellement le M23 selon le président Tshisekedi lui-même
  • Pertes militaires et coûts logistiques massifs
  • 30 000+ réfugiés congolais accueillis
  • Retrait forcé par manque de soutien

La réponse du gouvernement congolais à ce sacrifice :

  • Exclusion totale des accords de Washington
  • Aucune inclusion dans les cadres économiques régionaux
  • Aucune compensation pour les coûts assumés
  • Aucune reconnaissance internationale organisée
  • Abandon diplomatique au profit du Rwanda, l'agresseur

La double trahison : Initiative congolaise qui marginalise son propre allié

L'injustice est amplifiée par le fait que c'est la RDC elle-même qui a initié le processus menant à cette marginalisation. En faisant appel à Washington (février-mars 2025) et en offrant un accès aux minerais critiques, Tshisekedi a déclenché des négociations qu'il ne pouvait contrôler.

Résultat : Le processus initié par le Congo pour résoudre son problème sécuritaire a abouti à :

  1. Légitimer le Rwanda (accords tripartites et bilatéraux)
  2. Exclure le Burundi (aucune participation)
  3. Récompenser l'agresseur (cadres économiques privilégiés)
  4. Punir le défenseur (marginalisation totale)

L'impunité rwandaise : Le prix de la faiblesse congolaise

En septembre 2025, le Rwanda maintient ses troupes en territoire congolais malgré l'accord du 27 juin prévoyant un retrait dans les 90 jours. Aucune conséquence. Les accords économiques continuent. Les partenariats bilatéraux USA-Rwanda restent en vigueur.

Pendant ce temps, le Burundi reste exclu, ses troupes ont dû se retirer par manque de soutien, et il continue d'accueillir 30 000 réfugiés sans aide internationale.

Le message est clair : Dans le système actuel, l'agression bien exécutée diplomatiquement mène au succès. La loyauté et le sacrifice mènent à l'abandon.

Pourquoi « les Congolais sont ingrats »

Cette expression ne vise pas à stigmatiser le peuple congolais. Elle nomme une réalité géopolitique : l'incapacité chronique du gouvernement de la RDC à :

  • Honorer ses alliances
  • Reconnaître les sacrifices de ses partenaires
  • Défendre ses alliés dans les négociations internationales
  • Coordonner ses engagements bilatéraux avec ses positions multilatérales

Cette ingratitude n'est pas de la malveillance – c'est le symptôme d'une faiblesse institutionnelle :

  • Dépendance diplomatique paralysante
  • Absence de vision stratégique
  • Capture par des intérêts privés
  • Vulnérabilité aux pressions externes

Un système qui garantit la perpétuation des conflits

L'architecture actuelle crée des incitations perverses :

Elle récompense :

  • L'agression militaire (Rwanda : partenaire privilégié)
  • La violation des accords (pas de conséquences au non-retrait)
  • L'exploitation des ressources d'autrui (minerais via M23)
  • La manipulation diplomatique (lobbying efficace)

Elle punit :

  • La loyauté militaire (Burundi exclu malgré 10 000 soldats)
  • Le sacrifice humanitaire (30 000 réfugiés sans reconnaissance)
  • L'honnêteté diplomatique (absence de lobbying pénalisée)
  • Le respect des principes (défendre la souveraineté ne rapporte rien)

Conséquence inévitable : Ce système garantit que les conflits continueront. Pourquoi choisir la coopération loyale si elle mène à l'exclusion ? Pourquoi ne pas opter pour l'agression si elle ouvre les portes de Washington ?

L'urgence d'un rééquilibrage

Sans correction immédiate de cette injustice, toute prétention à une paix durable dans les Grands Lacs restera illusoire.

Trois actions impératives :

  1. Inclusion rétroactive du Burundi dans tous les cadres régionaux – accords de Washington, coopération économique, mécanismes sécuritaires
  2. Conditionnalité ferme : Suspension de tout accord économique avec le Rwanda jusqu'au retrait complet de ses troupes ET inclusion du Burundi
  3. Renforcement institutionnel de la RDC pour qu'elle puisse défendre ses alliances et piloter ses propres négociations

Verdict final

Le Burundi a été fidèle. La RDC a été ingrate. Le Rwanda a été récompensé. Cette dynamique doit cesser.

Un système qui récompense l'agression et punit la loyauté n'est pas un système de paix – c'est un système qui garantit que les conflits continueront indéfiniment.

Le Burundi mérite mieux que cette marginalisation. La RDC mérite un gouvernement capable de défendre ses alliés. La région des Grands Lacs mérite une architecture de paix fondée sur la justice, pas sur l'opportunisme.

L'injustice faite au Burundi n'est pas un détail diplomatique – c'est le symptôme d'un système régional dysfonctionnel où la faiblesse de l'État congolais permet que l'agression soit récompensée et la loyauté punie.

Sans justice pour le Burundi, il n'y aura pas de paix dans les Grands Lacs.

Références principales

Documents officiels et rapports ONU

  1. United States Department of State (2025, 27 juin). Peace Agreement Between the Democratic Republic of the Congo and the Republic of Rwanda. https://www.state.gov/peace-agreement-between-the-democratic-republic-of-the-congo-and-the-republic-of-rwanda
  2. Conseil de sécurité des Nations Unies (2025, 21 février). Résolution 2773 - Appel au Rwanda à cesser son soutien au M23.
  3. MONUSCO (2024-2025). Rapports sur la situation sécuritaire en RDC. Estimations : 4 000 soldats rwandais (déc. 2024) → 12 000 (mars 2025).
  4. UN Group of Experts on DRC (2024). Report on Rwandan military support to M23. Identification des commandants rwandais.
  5. UNHCR (2025, février). Burundi Refugee Situation Update. 30 000+ réfugiés congolais au Burundi.

Sources gouvernementales

  1. Présidence de la RDC (2025, mai). Déclaration du Président Tshisekedi : « L'armée burundaise est la seule qui opère contre les groupes armés. »
  2. Ministère burundais de la Défense (2023-2025). Communiqués sur le déploiement de 10 000+ soldats dans l'EACRF.
  3. Présidence du Burundi (2024, 22 décembre). Communiqué sur la visite de Tshisekedi à Bujumbura.

Analyses et documentation

  1. Wikipedia (2025). "2025 Democratic Republic of the Congo–Rwanda peace agreement". Documentation complète.
  2. Wikipedia (2025). "Democratic Republic of the Congo–Rwanda conflict (2022–2025)".
  3. Wikipedia (2025). "2025 Goma offensive" et "2025 Bukavu offensive".
  4. Lieber Institute West Point (2025, 15 septembre). "The Conflict in Eastern DRC and the State Responsibility of Rwanda and Uganda".

Médias de référence

  1. The Defense Post (2025, 21 février). "Burundi Forces Flee DR Congo as Conflict Sparks Refugee Wave".
  2. The New Humanitarian (2025, 12 mai). "Congolese escaping the M23 conflict face new hardships in Burundi".
  3. The East African (2023, 14 novembre). "M23 go for Burundian troops in DRC clashes".
  4. African Security Analysis (2025). "Burundi Intensifies Its Military Involvement in Eastern DRC".
  5. Council on Foreign Relations (2025). "Conflict in the Democratic Republic of Congo". Global Conflict Tracker.

Perspectives burundaises

  1. Burundi-Forum (2025, 27 juin). "Burundi / Géopolitique – RDC, Rwanda, USA : Comment comprendre la signature du 27 juin 2025 ?"
  2. Burundi-AGNews (2025). Analyses sur l'exclusion du Burundi des accords régionaux.

Briefings internationaux

  1. UN Press (2025, 28 février). "As Regional Tensions Rise, M23 Advances Further in Eastern DRC". Briefing du Conseil de sécurité.

Préparé par :
Sam Nkumi, Chris Thomson & Gilberte Bienvenue
Improve Africa, London, UK

Friday, 28 November 2025

L’aveuglement de la France pour plaire à Kagame :

L'aveuglement de la France pour plaire à Kagame :

Quand vous ne respectez pas les Français, ils vous respectent : le paradoxe des relations Rwanda–France

Introduction : La relation diplomatique la plus déroutante de l'Afrique contemporaine

Peu de relations en diplomatie africano-européenne sont aussi paradoxales, émotionnellement chargées et politiquement révélatrices que celle entre le Rwanda et la France. Depuis trois décennies, le Rwanda est l'État africain le plus hostile à l'égard de la France — l'accusant de complicité dans le génocide, humiliant les dirigeants français, démantelant les institutions françaises, expulsant l'influence française, remplaçant la langue française et dénigrant à répétition la France sur la scène internationale.

Pourtant, la France n'a pas répondu par des représailles, de la pression ou de la distance — mais par des excuses, des concessions, des aides financières, un soutien politique et une coopération militaire.

Cette dynamique représente l'un des exemples les plus clairs d'une vérité géopolitique que de nombreux Africains répètent avec ironie :

« Quand vous ne respectez pas les Français, ils vous respectent. »

Il ne s'agit pas d'une insulte, mais d'une analyse politique : la France tend à respecter l'assertivité, surtout lorsqu'elle s'enracine dans une accusation morale. Le Rwanda l'a compris mieux que quiconque. Il a reconnu très tôt que la plus grande faiblesse de la France est sa culpabilité historique. Et une fois que le Rwanda a réalisé à quel point la France est piégée dans le remords, Kigali a transformé cette culpabilité en arme de pression diplomatique.

Cette analyse de fond explore comment le Rwanda a réussi à transformer la France, d'un acteur politique puissant, en un partenaire vulnérable, incapable de se défendre, incapable de critiquer les actions du Rwanda et incapable d'énoncer une position souveraine sur le rôle déstabilisateur du Rwanda dans la région — en particulier en République démocratique du Congo (RDC).


I. Avant la rupture : le Rwanda, joyau de l'influence francophone

Pour comprendre l'ampleur de la rupture post-1994, il est essentiel de rappeler ce que représentait le Rwanda pour la France. Pendant la Guerre froide et jusqu'au début des années 1990, le Rwanda était une pièce centrale de l'architecture géopolitique francophone en Afrique centrale. Il était une vitrine de l'influence culturelle et linguistique française dans la région des Grands Lacs, et un allié clé dans la rivalité de la France avec le monde anglophone, en particulier avec l'Ouganda.

Des officiers militaires français étaient intégrés dans les institutions rwandaises. Des conseillers français travaillaient à la présidence. L'aide française finançait les écoles, les infrastructures et les programmes de sécurité. Le Rwanda était profondément intégré dans le réseau de la Françafrique.

Du point de vue de Paris, le Rwanda était un partenaire francophone certes petit, mais d'une importance symbolique majeure, dont la stabilité consolidait l'image de la France comme protectrice de la Francophonie.

Cette base rend la rupture ultérieure encore plus spectaculaire. Aucun pays africain francophone n'a jamais rompu de manière aussi violente avec la France. Aucun ancien partenaire français n'a jamais lancé une campagne anti-française aussi radicale. Et jamais auparavant la France n'avait accepté aussi passivement l'humiliation infligée par un petit pays africain, comme elle l'a fait avec le Rwanda.

II. La stratégie post-1994 du Rwanda : de la victimisation à l'accusation agressive

Après que le Front patriotique rwandais (FPR) a pris le pouvoir en juillet 1994, le nouveau gouvernement rwandais a rapidement identifié la France comme son principal ennemi politique. Kigali a construit et promu un récit dans lequel la France n'était plus simplement un pays qui avait soutenu le gouvernement précédent — la France était présentée comme complice du génocide, facilitatrice de massacres et acteur moralement criminel.

Paul Kagame et Louise Mushikiwabo ont été personnellement impliqués dans cette stratégie, multipliant accusations publiques, dénonciations et même insultes directes à l'encontre des dirigeants et institutions françaises.

Ce récit offrait au FPR une valeur stratégique immense.
En attaquant la France, le Rwanda pouvait simultanément :

  1. Légitimer son nouveau régime, en se présentant comme la force qui avait vaincu non seulement un gouvernement génocidaire, mais aussi son prétendu soutien étranger.

  2. Façonner la sympathie internationale, en positionnant fermement le Rwanda comme une victime demandant justice face à une puissance européenne.

  3. Réduire au silence la dissidence interne, puisque toute personne remettant en cause le FPR pouvait être accusée de s'aligner sur les « génocidaires » ou de défendre la complicité française.

  4. Démanteler l'identité francophone du Rwanda, afin de justifier son basculement vers le monde anglophone et de réaligner ses alliances géopolitiques.

  5. Placer la France dans une posture défensive permanente, forçant Paris à réagir de manière émotionnelle plutôt que stratégique.

À partir de 1995, l'hostilité envers la France est devenue un pilier institutionnalisé de la politique étrangère rwandaise. Des hauts responsables ont régulièrement insulté, blâmé et dénigré les dirigeants français dans des discours et des interviews. Les médias proches du gouvernement ont amplifié ces accusations, garantissant que le message atteigne les publics national et international. Le Rwanda a utilisé toutes les tribunes possibles — réunions des Nations Unies, commémorations du génocide, sommets diplomatiques, médias internationaux — pour réaffirmer que la France portait une responsabilité directe dans le génocide.

Ce faisant, Kigali a instrumentalisé la culpabilité. Et la France — terrorisée à l'idée d'être accusée de complicité de génocide, d'être isolée sur la scène internationale ou de paraître moralement indifférente — a progressivement abandonné son propre récit et adopté une posture de défense et de remords permanents.

III. Détruire l'influence française au Rwanda : un démantèlement sans précédent

L'hostilité n'était pas seulement rhétorique ; elle s'est manifestée par un démantèlement systématique et délibéré de la présence française au Rwanda. Les institutions culturelles et éducatives françaises ont été progressivement fermées. Des projets de coopération de longue date ont été brusquement interrompus. Les enseignants français — dont beaucoup avaient servi au Rwanda pendant des décennies — ont été expulsés en masse. Les programmes de développement et d'aide ont été suspendus ou annulés. Le Centre culturel français de Kigali, autrefois vitrine de l'influence francophone, a été fermé puis vandalisé. Même l'ambassade de France est devenue la cible répétée de manifestations de rue, souvent encouragées ou orchestrées par les autorités, ce qui a obligé la France à réduire drastiquement sa présence diplomatique.

La portée symbolique de ce démantèlement ne peut être exagérée. Ce n'était pas une simple réorganisation administrative : il s'agissait d'une rupture politique et culturelle profonde. Le Rwanda envoyait un message sans ambiguïté à Paris :

« Votre influence ici est terminée. »

Cette rupture a atteint son point le plus spectaculaire et irréversible avec la décision de remplacer le français par l'anglais comme langue nationale d'enseignement. Du jour au lendemain, le Rwanda a rompu un lien linguistique et culturel vieux d'un siècle avec le monde francophone et s'est repositionné de façon décisive au sein de la sphère géopolitique anglophone. La transition fut si radicale que la plupart des enseignants du pays — formés en français et incapables d'enseigner en anglais — ont été licenciés et remplacés, laissant des générations entières d'élèves dans un système scolaire soumis à une transformation linguistique brutale et inédite.

Aucun autre pays de l'histoire moderne n'a entrepris un réalignement linguistique d'une telle ampleur en un laps de temps aussi court. Pour le Rwanda, c'était une déclaration stratégique d'indépendance. Pour la France, c'était la confirmation dévastatrice que son ancrage culturel avait été complètement déraciné.

IV. Le rapport Duclert : l'élément le plus controversé de l'auto-humiliation française

L'un des épisodes les plus stupéfiants de l'histoire des relations France–Rwanda est la production du rapport Duclert, commandé par le président Emmanuel Macron en 2019 et publié en 2021. Officiellement, ce rapport a été présenté comme une enquête historique indépendante sur le rôle de la France au Rwanda de 1990 à 1994. En réalité, il est devenu l'un des documents les plus politisés, historiquement déformés et controversés jamais produits au nom de l'introspection de l'État français.

1. Un rapport écrit pour plaire à Kagame

Dès l'annonce de la commission, de nombreux historiens, diplomates et spécialistes de l'Afrique ont constaté que l'objectif du rapport n'était pas la vérité, mais la réconciliation politique. Macron voulait se rendre à Kigali non pas comme un président accusé de déni ou d'arrogance coloniale, mais comme un dirigeant accueilli en héros, salué par le Rwanda et applaudi par les médias internationaux. Le moyen le plus simple d'y parvenir était de produire un rapport qui s'aligne sur le récit officiel de Kigali.

La commission Duclert a donc été encouragée — explicitement ou implicitement — à éviter toute conclusion qui contredirait la version rwandaise des événements. Il en a résulté un document qui :

  • interprète de manière sélective les preuves archivistiques,

  • omet ou minimise les documents dérangeants,

  • ignore des témoignages contredisant la narration du FPR,

  • minimise les crimes du FPR,

  • exagère la « cécité » française,

  • et invente ou amplifie des récits correspondant aux accusations du gouvernement rwandais.

Le rapport a rejeté les contributions de personnes dont les analyses n'étaient pas alignées sur les récits officiels du Rwanda.

Depuis sa publication, des historiens, des diplomates et des spécialistes de l'Afrique ont critiqué ce rapport comme étant partial, politiquement biaisé, incomplet et, dans certains cas, porteur de conclusions historiques inventées.

2. Un rapport qui efface les crimes du FPR

Le rapport Duclert évite de manière frappante d'aborder les massacres pourtant bien documentés commis par le FPR en 1994 et dans les années qui ont suivi. Les tueries de civils hutu, les massacres dans les forêts du Congo et les actes que certains experts de l'ONU ont décrits comme pouvant constituer des actes de génocide s'ils étaient prouvés devant un tribunal, sont passés sous silence ou minimisés.

Pour plaire à Kagame, le rapport produit un tableau historique déséquilibré dans lequel le FPR apparaît moralement irréprochable.

3. Un rapport qui condamne la France en ignorant la complexité géopolitique

Au lieu de présenter une analyse nuancée, le rapport Duclert simplifie l'histoire :

France = responsable
FPR = victimes libératrices

Ce schéma simpliste a permis à Kagame de revendiquer une victoire morale. Et la France, fait stupéfiant, a financé et publié un document qui nuit à son propre récit historique.

4. Duclert comme symbole de l'auto-humiliation française

Ce rapport est devenu le symbole ultime du nouveau rôle de la France : celui d'un pays tellement avide de rédemption morale qu'il participe à la réécriture de l'histoire pour satisfaire le gouvernement qui l'accuse.

V. Mémoire sélective : le refus de la France de reconnaître les atrocités du FPR et la souffrance des Hutu

Une autre dimension du silence français à l'égard du Rwanda concerne les thèmes que Paris évite délibérément — des sujets explosifs sur le plan politique et moralement inconfortables. La France refuse de parler ouvertement des violations des droits humains commises par le FPR pendant la guerre et après 1994, malgré l'existence de nombreux rapports internationaux les documentant. Elle évite aussi de reconnaître les crimes de guerre, exécutions extrajudiciaires et massacres de civils hutu, commis non seulement au Rwanda mais aussi dans les pays voisins, en particulier en République démocratique du Congo.

Pour l'establishment politique français, même mentionner la souffrance des civils hutu est devenu presque tabou. Dans le climat diplomatique actuel, évoquer la question des victimes hutu — qui représentent plus de 85 % de la population rwandaise — est traité comme une faute politique, presque équivalente à saper le récit reconnu du génocide. Cette peur de paraître insensible, révisionniste ou « proche des génocidaires » a paralysé la capacité de la France à discuter de la réalité complète du conflit.

Pourtant, le dossier historique est clair. De multiples enquêtes indépendantes — y compris des rapports de l'ONU, des témoignages d'organisations de défense des droits humains et des travaux académiques — ont établi que le FPR a commis des atrocités à grande échelle pendant la guerre et dans les années qui ont suivi. Des dizaines de milliers de civils hutu ont été tués à l'intérieur du Rwanda entre 1994 et 1996. Des centaines de milliers d'autres ont été traqués et massacrés à travers l'est du Congo, dans des attaques documentées par le Rapport de cartographie de l'ONU de 2010 et décrites par certains enquêteurs comme des actes qui, s'ils étaient prouvés devant un tribunal, pourraient constituer des crimes contre l'humanité ou même des actes de génocide.

Malgré ces preuves, la France reste silencieuse. Elle évite de reconnaître publiquement ces crimes, évite de critiquer le bilan de Kagame en matière de droits humains et évite de condamner les abus actuels commis par le Rwanda à l'intérieur et à l'extérieur de ses frontières. Il en résulte un récit unilatéral dans lequel une seule catégorie de victimes est reconnue, tandis qu'une autre — plus nombreuse — est ignorée et effacée politiquement.

Ce silence a profondément déçu de nombreux observateurs africains. Dans l'Afrique francophone comme non francophone, beaucoup considèrent le refus de la France de parler des victimes hutu comme un échec moral et une erreur stratégique. Ils voient une France qui a peur de défendre les principes universels des droits humains, qui craint de confronter les abus du Rwanda et qui refuse de reconnaître la souffrance de millions de civils hutu tués pendant la guerre, dans les années suivantes et dans les forêts du Congo.

Pour beaucoup d'Africains, cette morale sélective mine la crédibilité de la France. Un pays qui refuse de reconnaître toutes les victimes et qui évite de condamner des abus actuels par culpabilité politique ne peut pas se présenter comme un acteur de principe ni comme un partenaire fiable. Le silence de la France sur les victimes hutu n'est donc pas seulement une omission historique — c'est un facteur majeur de l'érosion de l'influence et de la confiance dont elle jouissait sur le continent africain.

VI. La réponse de la France : aides, excuses et soumission diplomatique

Au lieu de contester les accusations du Rwanda ou de défendre ses propres institutions, la France a répondu par des gestes répétés d'humilité.

Au cours des deux dernières décennies, la France a accordé au Rwanda des milliards d'euros d'aide, notamment :

  • aide publique au développement directe,

  • appui budgétaire,

  • allégements de dette,

  • projets d'infrastructures,

  • programmes de santé et d'éducation,

  • coopération en matière de sécurité,

  • investissements économiques.

Le total dépasse 1 milliard d'euros, faisant du Rwanda l'un des États africains les plus généreusement soutenus au regard de sa taille.

Les présidents Sarkozy et Macron se sont rendus au Rwanda, apportant excuses ou reconnaissances partielles de responsabilité. Macron est allé le plus loin, déclarant que la France portait une « responsabilité massive et accablante » dans son incapacité à empêcher le génocide. À Kigali, cela a été célébré comme un triomphe diplomatique.

À aucun moment la France n'a répondu à l'hostilité du Rwanda avec fermeté.

Le déséquilibre est devenu évident :

Le Rwanda attaque ; la France s'excuse.
Le Rwanda insulte ; la France augmente son aide.
Le Rwanda sape les intérêts français ; la France renforce la coopération.

VII. Le paradoxe de la Francophonie : la nomination de Mushikiwabo au secrétariat général

Le renversement diplomatique le plus choquant a eu lieu en 2018, lorsque Louise Mushikiwabo — ministre des Affaires étrangères du Rwanda et l'une des critiques les plus virulentes de la France — a été nommée Secrétaire générale de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF).

Cette nomination était surréaliste pour plusieurs raisons : le Rwanda avait aboli le français comme langue principale d'enseignement ; il s'était tourné de manière décisive vers le monde anglophone en rejoignant le Commonwealth ; Mushikiwabo avait personnellement dénoncé les dirigeants français pendant des années ; la gouvernance interne du Rwanda contredisait les valeurs proclamées de la Francophonie en matière de droits humains ; plusieurs pays africains francophones s'y opposaient.

Pourtant, Emmanuel Macron a soutenu activement sa candidature, faisant pression sur d'autres États francophones pour qu'ils l'acceptent.

Ce fut la démonstration ultime de la nouvelle attitude de la France envers le Rwanda :

Plus le Rwanda rejette l'influence française, plus la France le récompense.

VIII. Paralysie stratégique : une politique étrangère piégée par la culpabilité

Au cœur de ce paradoxe se trouve la thèse centrale :

La relation de la France avec le Rwanda est façonnée par la culpabilité — une culpabilité auto-infligée, politiquement exagérée, devenue un piège. La France ne peut plus agir rationnellement parce qu'elle craint d'apparaître immorale.

Cette culpabilité :

  • paralyse la diplomatie française,

  • empêche la France de critiquer le Rwanda,

  • pousse la France à en faire trop pour se racheter,

  • rend la France prévisible,

  • donne au Rwanda un immense levier.

Le Rwanda comprend parfaitement que la France craint davantage les accusations morales que les menaces géopolitiques. Kagame l'exploite pour obtenir des concessions, faire taire les critiques et engranger des avantages stratégiques.

La culpabilité de la France est devenue un handicap de politique étrangère — une faiblesse permanente enracinée dans une anxiété historique.

IX. L'implication du Rwanda en RDC : le silence ambigu et lâche de la France

La paralysie française est particulièrement visible dans son silence concernant l'implication du Rwanda en République démocratique du Congo.

L'ONU a à plusieurs reprises documenté le soutien du Rwanda aux rebelles du M23.
Les États-Unis, le Royaume-Uni et le Parlement européen ont tous exprimé leurs inquiétudes.
Des gouvernements africains — notamment l'Afrique du Sud, la Tanzanie, le Burundi, le Kenya et l'Angola — ont critiqué le rôle déstabilisateur du Rwanda à l'est du Congo.

Et pourtant, la France reste ambiguë.

Les diplomates français publient des déclarations vagues appelant au « dialogue », à la « retenue » et à « l'engagement régional ». Ils refusent de nommer le Rwanda directement. Même lorsque la France préside des discussions du Conseil de sécurité des Nations Unies sur la RDC, elle évite de mentionner Kigali.

Ce silence n'est pas accidentel.
C'est de la culpabilité.
C'est de la peur.
C'est une paralysie politique.

La France sait que critiquer le Rwanda risque de déclencher des accusations de négationnisme ou d'hypocrisie historique. Elle préfère donc l'ambiguïté — même au prix de sa crédibilité et de sa cohérence morale.

X. Coopération militaire : le Rwanda protège TotalEnergies au Mozambique

Le paradoxe s'accentue avec la coopération militaire et économique entre la France et le Rwanda, notamment au Mozambique.

Lorsque des insurgés islamistes ont envahi la province de Cabo Delgado en 2020–2021, menaçant le projet gazier de plusieurs milliards d'euros de TotalEnergies, la France avait besoin d'une force stabilisatrice. Au lieu de déployer sa propre armée ou de s'appuyer uniquement sur les forces mozambicaines, Paris a soutenu une intervention militaire rwandaise.

Des troupes rwandaises protègent désormais les installations énergétiques françaises. L'armée rwandaise est, de fait, un prestataire de sécurité pour les intérêts multinationaux français.

Les implications sont considérables :

  • la France dépend désormais militairement du Rwanda ;

  • l'image du Rwanda comme « partenaire de sécurité » freine les critiques françaises ;

  • les intérêts économiques priment sur les considérations morales et géopolitiques ;

  • le silence français sur le Congo est en partie dicté par la peur de perdre la coopération militaire rwandaise.

En d'autres termes :

La France a besoin du Rwanda plus que le Rwanda n'a besoin de la France.

XI. La stratégie de Kagame : renverser la relation de pouvoir

La stratégie de Paul Kagame n'a rien d'un accident. Elle est calculée, délibérée et fondée sur une compréhension fine de la psychologie occidentale.

Il a compris très tôt que :

  • la culpabilité occidentale est un outil puissant ;

  • la France est terrorisée à l'idée d'apparaître immorale ;

  • les institutions occidentales récompensent les pays qui se présentent comme victimes ;

  • le récit du génocide confère au Rwanda une forme d'immunité diplomatique ;

  • la France a besoin du Rwanda plus que l'inverse.

En combinant le récit de victimisation avec une diplomatie agressive, Kagame a accompli ce qu'aucun autre dirigeant africain n'a réussi :

  • il a inversé la relation coloniale ;

  • il a placé la France dans une position émotionnelle subalterne ;

  • il a transformé la France en partenaire qui s'excuse avant de négocier ;

  • il a gagné du respect en affrontant Paris, et non en lui obéissant.

Ce faisant, Kagame a fait du Rwanda une puissance régionale nettement supérieure à ce que sa taille, sa population ou son économie laisseraient supposer.

XII. Implications : comment la faiblesse de la France face au Rwanda a détruit sa crédibilité en Afrique francophone

La posture soumise, confuse et dictée par la culpabilité adoptée par la France face au Rwanda n'a pas seulement remodelé la relation bilatérale — elle a profondément endommagé la crédibilité plus large de la France en Afrique, en particulier parmi les nations francophones qui formaient traditionnellement l'ossature de la Françafrique. Ce qui se passe entre la France et le Rwanda n'est pas perçu isolément par les gouvernements africains, les élites politiques ou les sociétés civiles. C'est interprété comme le symbole d'une France en déclin : manque de cohérence stratégique, fragilité morale et influence géopolitique en chute.

Pour de nombreux observateurs africains, l'incapacité de la France à adopter une position ferme vis-à-vis du Rwanda — malgré l'humiliation systématique de ses institutions, le rôle déstabilisateur de Kigali au Congo et sa politique étrangère agressive — révèle une France qui n'est plus capable de défendre ses intérêts ni de maintenir des principes régionaux cohérents. Cette perception a contribué à une vague de désillusion, de ressentiment et de distanciation parmi d'autres États francophones.

1. La France a perdu l'image d'une puissance forte et cohérente

Autrefois perçue comme un acteur décisif en Afrique — parfois trop interventionniste, mais rarement hésitant — la France apparaît, dans sa relation avec le Rwanda, paralysée, apologétique et émotionnellement piégée. Les gouvernements africains voient :

  • une France qui a peur de parler clairement ;

  • une France qui ne trace plus de lignes rouges ;

  • une France qui s'excuse en permanence ;

  • une France qui laisse un petit pays dicter le récit ;

  • une France qui récompense l'agression par des concessions.

Cela contraste fortement avec les interventions fermes du passé. Pour de nombreux dirigeants, l'attitude de la France face au Rwanda marque la fin de son courage géopolitique et de sa cohérence intellectuelle en Afrique.

2. D'autres États francophones ont interprété cette timidité comme une faiblesse

Des pays comme le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont observé de près la relation France–Rwanda. Chacun a sa dynamique interne, mais tous ont vu une France :

  • incapable de défendre ses alliés,

  • dépourvue de cohérence stratégique,

  • dominée par la culpabilité et le doute,

  • prête à sacrifier des partenariats de long terme pour plaire aux médias occidentaux,

  • ayant perdu sa boussole morale et politique.

En conséquence, ces pays ont commencé à se distancier de la France — pas uniquement pour des raisons bilatérales, mais aussi parce que la politique française vis-à-vis du Rwanda symbolisait une crise plus profonde de crédibilité.

3. L'effondrement des alliances francophones : Mali, Burkina Faso, Niger

Au début des années 2020, le Mali, le Burkina Faso et le Niger — jadis piliers de la stratégie française au Sahel — ont rompu leurs liens militaires avec la France, expulsé les troupes françaises et se sont rapprochés de nouveaux partenaires, notamment la Russie. Bien que ces décisions soient enracinées dans des contextes nationaux, la perception globale d'une France faible a joué un rôle.

Les dirigeants africains ont constaté que la France pouvait :

  • être insultée sans conséquence,

  • être manipulée par la culpabilité,

  • être réduite au silence,

  • perdre son influence face à des puissances régionales ou de taille moyenne.

Cela a encouragé des dirigeants sahéliens à tester la France, puis à s'en détacher entièrement. Le comportement soumis de la France à l'égard du Rwanda a envoyé le signal que Paris n'avait plus la volonté ni la confiance nécessaires pour se tenir comme une puissance mondiale.

4. L'opinion publique francophone s'est retournée contre la France

Dans de nombreux pays francophones, l'opinion publique a radicalement changé. La France n'est plus vue comme un partenaire fiable. Les citoyens constatent :

  • une France humiliée par le Rwanda ;

  • une France incapable de protéger les intérêts et les valeurs francophones ;

  • une France qui perd des batailles diplomatiques ;

  • une France qui ne défend pas les populations francophones ;

  • une France qui célèbre le Rwanda — désormais anglophone — tout en ignorant les préoccupations de ses partenaires francophones.

Pour beaucoup, c'est absurde et insultant. Comment la France peut-elle prétendre défendre la Francophonie lorsqu'elle récompense un pays qui a aboli le français et attaqué la Francophonie ?

La perception dominante est que la France n'est plus loyale envers ses propres alliés, ses valeurs ou ses partenaires.

5. Une perte d'influence plus large : la France n'est plus écoutée

Le poids diplomatique de la France a fortement diminué en Afrique. Aujourd'hui, les dirigeants africains prêtent davantage attention à :

  • la Russie,

  • la Chine,

  • la Turquie,

  • les pays du Golfe,

  • les États-Unis,

  • les alliances régionales africaines

qu'à la France.

L'incapacité de la France à parler clairement du rôle du Rwanda en RDC, surtout alors que le Congo est un géant francophone, a créé un sentiment de trahison, non seulement à Kinshasa mais dans l'ensemble du monde francophone. Pour de nombreuses élites africaines :

Si la France ne peut pas défendre le Congo contre l'agression rwandaise, elle est inutile comme allié géopolitique.

La France a :

  • perdu son rôle de garant,

  • perdu le respect,

  • perdu son image de fermeté,

  • perdu sa position de puissance majeure en Afrique.

C'est directement lié au paradoxe rwandais : la France semble forte là où elle ne devrait pas intervenir et faible là où elle le devrait.

6. Une France affaiblie a accéléré le basculement de l'Afrique vers la multipolarité

La soumission ambiguë de la France face au Rwanda a accéléré le pivot africain loin des puissances occidentales. Les États africains ont interprété le comportement français comme le signe d'une Europe divisée, moralement fragile et psychologiquement instable dans sa relation post-coloniale avec l'Afrique.

Cela a ouvert la voie :

  • au retour de la Russie en Afrique francophone,

  • à l'expansion de la Chine dans les infrastructures et la diplomatie,

  • à l'entrée de la Turquie dans le Sahel,

  • à l'influence croissante des pays du Golfe dans la Corne de l'Afrique,

  • à de nouvelles alliances Sud–Sud entre pays africains.

La France, autrefois centre de gravité dans de nombreuses régions, est désormais de plus en plus marginalisée.

7. Le cas rwandais comme « exemple d'avertissement »

Les gouvernements africains étudient désormais le cas Rwanda–France comme une leçon politique :

Si vous défiez suffisamment la France, elle cède.
Si vous la dénoncez assez fort, elle s'excuse.
Si vous menacez son image morale, elle recule.

Au lieu de gagner le respect par la coopération, la France a involontairement montré que la confrontation est plus efficace. Cela a profondément altéré son autorité.

Conclusion : le paradoxe Rwanda–France comme étude de cas du pouvoir, de la culpabilité et de la manipulation géopolitique

La relation France–Rwanda remet en question les concepts classiques de la diplomatie post-coloniale. Elle montre que :

  • le pouvoir n'est pas seulement militaire ou économique ;

  • le pouvoir est aussi psychologique ;

  • le pouvoir est moral ;

  • le pouvoir, c'est la capacité à déclencher la culpabilité chez l'adversaire.

Le Rwanda l'a compris mieux que tout autre pays africain.

En attaquant agressivement la France, en démantelant son influence, en réécrivant les récits historiques et en exploitant la culpabilité française, le Rwanda a transformé la France, d'ancienne puissance coloniale, en partenaire soumis, qui s'excuse, paie et évite la confrontation.

Le paradoxe demeure :

Le Rwanda a insulté la France, dénigré ses dirigeants, détruit ses institutions, remplacé sa langue, déstabilisé ses alliés régionaux — et pourtant, la France a répondu par de l'argent, un soutien politique, une coopération militaire et du respect.

C'est pourquoi beaucoup d'Africains disent :

« Quand vous ne respectez pas les Français, ils vous respectent. »

Parce que la France respecte ceux qui affrontent sa culpabilité, pas ceux qui se soumettent à son autorité.

Les conséquences du comportement de la France vis-à-vis du Rwanda sont profondes. Le Rwanda est peut-être un petit pays, mais il a exposé les vulnérabilités françaises d'une manière qui a transformé la géopolitique africaine. La France n'est plus respectée comme puissance forte, n'est plus vue comme un partenaire fiable, et n'est plus traitée comme un acteur décisif.

Le désengagement du Mali, du Burkina Faso et du Niger vis-à-vis de la France fait partie de cet effondrement plus large de confiance. D'autres pays francophones — du Tchad à la République centrafricaine, du Sénégal à la RDC — s'éloignent progressivement de Paris.

Le paradoxe reste le même :

La France a cherché à gagner en crédibilité morale en flattant le Rwanda, mais elle a perdu sa crédibilité stratégique dans l'ensemble de l'Afrique francophone.

La France a cru que traiter le Rwanda avec une humilité excessive réhabiliterait son image mondiale.
En réalité, cela a affaibli son influence, lui a fait perdre des alliés et a accéléré sa marginalisation en Afrique.

RÉFÉRENCES

1. Rapports des Nations Unies

Groupe d'experts des Nations Unies sur la RDC
– Conseil de sécurité des Nations Unies (plusieurs années). Final Report of the Group of Experts on the Democratic Republic of Congo. New York : ONU.
(En particulier les rapports de 2012, 2013, 2020, 2022, 2023 détaillant les liens Rwanda–M23.)

Rapport de cartographie de l'ONU (Mapping Report)
– Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (2010). Democratic Republic of the Congo, 1993–2003: Mapping Exercise Report. Genève : HCDH.

Résolutions et débats du Conseil de sécurité sur la RDC et le M23
– Comptes rendus intégraux du Conseil de sécurité, 2022–2024.

2. Documents officiels français

Rapport Duclert (rapport controversé)
– Duclert, V. et al. (2021). La France, le Rwanda et le génocide des Tutsi (1990–1994). Commission de recherche sur les archives françaises. Paris : Présidence de la République.

Documents parlementaires français
– Assemblée nationale (1998). Mission d'information parlementaire sur le Rwanda.

3. Ouvrages académiques et sources scientifiques clés

– Melvern, L. (2000, 2004, 2010). A People Betrayed ; Conspiracy to Murder ; Intent to Deceive. London / New York.
– Prunier, G. (1995, 2009). The Rwanda Crisis: History of a Genocide ; Africa's World War. London.
– Reyntjens, F. (2004, 2013). Rwanda, Politics of Genocide ; Political Governance in Post-Genocide Rwanda. Cambridge.
– Stearns, J. (2011). Dancing in the Glory of Monsters. New York.
– Mamdani, M. (2001). When Victims Become Killers. Princeton.
– Lemarchand, R. (2009). The Dynamics of Violence in Central Africa. Philadelphia.
– Beswick, D. (2011). Rwanda, Military and Democracy in Post-Genocide Governance.
– Callamard, A. (2014). Human Rights Narratives in Post-Genocide Rwanda.

4. Relations Rwanda–France (travaux universitaires et journalistiques)

– Vidal, C. (2012–2021). Divers articles sur les relations France–Rwanda dans Le Monde, Jeune Afrique.
– Smith, D. (The Guardian). Articles sur les tensions diplomatiques France–Rwanda.
– McGreal, C. (The Guardian). Articles sur le rôle de la France de 1994 à aujourd'hui.
– BBC News Africa. Couverture étendue des tensions Rwanda–France et des visites de Macron.
– Human Rights Watch. Rapports 1994–2023.
– International Crisis Group. Rapports Rwanda and the Great Lakes.

5. Rôle du Rwanda en RDC et M23

– Stearns, J. (2022–2023). Congo Research Group, NYU.
– Human Rights Watch (2022, 2023). Rapports sur les exactions du M23 et l'implication du Rwanda.
– International Crisis Group (2012–2024). Briefings sur l'est du Congo.
– Amnesty International (2013–2023). Rapports sur l'implication du Rwanda/M23.

6. Coopération militaire France–Rwanda & TotalEnergies au Mozambique

The Economist (2021–2023). Articles sur l'intervention rwandaise à Cabo Delgado.
The Financial Times (2021–2023). Rapports sur la sécurité de TotalEnergies au Mozambique.
Al Jazeera (2021–2024). Couverture du déploiement rwandais au Mozambique.
– ISS Africa (Institute for Security Studies). Analyses sur la projection militaire rwandaise.

7. Articles sur Kagame, la realpolitik et la culpabilité occidentale

– Wrong, M. (2021). Do Not Disturb: The Story of a Political Murder… London.
– Reyntjens, F. (plusieurs articles 2010–2023). Sur la gouvernance autoritaire de Kagame.
– Straus, S. & Waldorf, L. (2020). Remaking Rwanda: State Building and Human Rights after Mass Violence.

8. Relations franco-africaines & « Françafrique »

– Verschave, F. (2000). La Françafrique.
– Bayart, J-F. (2009). The State in Africa: The Politics of the Belly.
– Chafer, T. (2002). The End of Empire in French West Africa.
– Marchal, R. (travaux sur la politique française dans les Grands Lacs).

9. Médias & enquêtes sur les controverses du rapport Duclert

Jeune Afrique (2021–2022). Analyses critiques du rapport Duclert.
Marianne, Le Figaro, Le Canard Enchaîné : articles questionnant ses motivations politiques.
The Conversation. Critiques académiques de l'approche de Macron et des omissions du rapport.
Mediapart (2021–2022). Enquêtes sur les biais et omissions du rapport.

Préparé par :
Sam Nkumi, Chris Thomson & Gilberte Bienvenue
Africa Context, Londres, Royaume-Uni

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