La fabrication d'un « visionnaire » : comment les États-Unis et la Grande-Bretagne ont contribué à construire le mythe Paul Kagame
Depuis plus de trente ans, les gouvernements des États-Unis et de la Grande-Bretagne ont joué un rôle central dans l'ascension internationale de Paul Kagame, le faisant passer du statut de chef militaire à celui de « visionnaire » célébré sur la scène mondiale. Cette transformation ne repose ni sur la transparence démocratique, ni sur le respect des droits humains, ni sur une réelle construction de la paix. Elle repose sur une stratégie politique et diplomatique où Kagame a été constamment invité, protégé et légitimé dans les grandes rencontres internationales, tout en mentant à la communauté internationale.
Ce texte n'est pas seulement une critique d'un homme. Il est une mise en accusation d'un système international qui fabrique des mythes politiques, excuse la violence de masse et tolère des guerres permanentes au nom de la « stabilité », de la « sécurité » et du « développement ».
Une ascension construite dans la guerre et le silence
Paul Kagame est issu du Front patriotique rwandais (FPR), un mouvement armé dont la prise de pouvoir est indissociable de la militarisation du Rwanda et de la région des Grands Lacs. Pourtant, le récit dominant en Occident le présente exclusivement comme « l'homme qui a mis fin au génocide » et reconstruit le pays. Ce récit ignore volontairement le contexte complet : la guerre lancée avant 1994, les crimes commis par le FPR, et la répression systématique de toute voix rwandaise dissidente.
Kagame n'a pas été un simple témoin de la tragédie rwandaise. Il en a été un acteur central. Les forces qu'il commandait ont commis de graves violations des droits humains, documentées par des organisations internationales et des rapports des Nations unies. Pourtant, aucune justice réelle n'a été rendue.
À Washington et à Londres, Kagame n'a jamais été traité comme un chef de guerre responsable de crimes, mais comme un allié stratégique.
Le parrainage occidental et l'impunité politique
Les États-Unis et le Royaume-Uni ne se sont pas contentés de tolérer Paul Kagame : ils l'ont activement soutenu. Aide militaire, coopération sécuritaire, protection diplomatique et flux financiers ont continué, malgré la répression interne, les assassinats d'opposants à l'étranger et les interventions armées répétées en République démocratique du Congo (RDC).
Kagame est devenu un habitué des sommets internationaux : Nations unies, forums économiques mondiaux, conférences de donateurs. À chaque apparition, son image de dirigeant moderne et efficace était renforcée. À chaque poignée de main avec des dirigeants occidentaux, l'impunité était confirmée. Dans ces espaces, Kagame récitait un discours calibré : lutte contre le terrorisme, développement, égalité des genres, innovation technologique. Derrière ce discours se cachait un État autoritaire fondé sur la peur.
Ce n'est pas l'ignorance qui a permis cela, mais la complaisance.
Le déclenchement de guerres régionales
L'une des conséquences les plus graves de ce soutien occidental est le rôle de Kagame comme fauteur de guerre dans la région des Grands Lacs. Sous couvert de préoccupations sécuritaires, le Rwanda a soutenu des groupes armés, envahi ou déstabilisé l'Est de la RDC, pillé des ressources naturelles et alimenté un conflit qui a causé des millions de morts depuis la fin des années 1990.
Ces guerres n'ont pas eu lieu dans le silence international. Elles se sont déroulées alors que Kagame bénéficiait d'un soutien politique constant. Lorsque des rapports de l'ONU ont documenté l'implication directe du Rwanda dans des massacres et le pillage des minerais congolais, les réactions occidentales ont été faibles, tardives ou inexistantes. Les rares suspensions d'aide ont été symboliques et rapidement levées.
Le message envoyé était limpide : Kagame pouvait semer la mort au-delà des frontières rwandaises sans en payer le prix.
Un régime violent contre son propre peuple
À l'intérieur du Rwanda, le régime de Kagame repose sur la répression. Toute opposition politique est criminalisée. Les journalistes indépendants disparaissent ou sont réduits au silence. Les opposants en exil sont traqués et parfois assassinés à l'étranger. Les citoyens ordinaires vivent dans la peur de parler librement.
Le contrôle du récit historique est central. La mémoire du génocide est instrumentalisée par l'État. Toute analyse nuancée ou toute reconnaissance des crimes du FPR est assimilée à une négation du génocide. Cette stratégie empêche toute réconciliation réelle et sert à légitimer une dictature.
Les gouvernements occidentaux connaissent parfaitement cette réalité. Pourtant, ils continuent de présenter le Rwanda comme un « modèle ». Ce n'est pas une erreur : c'est un choix politique.
La fabrication d'un faux « visionnaire »
Paul Kagame est qualifié de visionnaire non parce qu'il a réconcilié son peuple, mais parce qu'il a su séduire les élites occidentales. Les rues propres de Kigali, les conférences technologiques, les statistiques économiques soigneusement sélectionnées sont mises en avant, tandis que les prisons, les charniers et les camps de réfugiés sont ignorés.
Les États-Unis et la Grande-Bretagne ont activement participé à cette mise en scène en refusant d'examiner honnêtement son bilan. Ils ont fabriqué un dirigeant capable de mentir sur la scène internationale, en sachant que ses parrains ne le contrediraient pas.
C'est ainsi que le terrorisme politique est requalifié en leadership. C'est ainsi qu'un homme responsable de violences massives devient une icône du développement.
La responsabilité morale de l'Occident
L'histoire ne jugera pas Paul Kagame seul. Elle jugera ceux qui l'ont soutenu, protégé et promu. Les puissances occidentales ne peuvent prétendre ignorer ce qui est documenté depuis des décennies. Elles ne peuvent défendre les droits humains ailleurs tout en fermant les yeux sur le Rwanda et la RDC.
En protégeant Kagame, les États-Unis et la Grande-Bretagne se sont rendus complices de la répression interne rwandaise et de l'un des conflits les plus meurtriers depuis la Seconde Guerre mondiale.
Conclusion : déconstruire le mythe
Paul Kagame n'est pas un visionnaire. Il est le produit d'une ingénierie géopolitique occidentale fondée sur le déni, la sélection de la mémoire et le silence stratégique. Le prix de cette imposture a été payé par les peuples rwandais et congolais.
Si la communauté internationale veut réellement la paix, la justice et la responsabilité, elle doit affronter cette vérité dérangeante. Le mythe Kagame doit être déconstruit, non par esprit de vengeance, mais par respect pour l'histoire, la dignité des victimes et l'avenir de la région des Grands Lacs.
Tant que cela ne sera pas fait, les États-Unis et la Grande-Bretagne ne seront pas de simples spectateurs de la tragédie, mais bien des co-auteurs.
Préparé par :
Sam Nkumi, Chris Thomson & Gilberte Bienvenue – Improve Africa, London, UK
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